De l’obscurité à la lumière ou « mettre en place les conditions ».
Dès l’aube de la civilisation, il apparait que les hommes ont tenté en vain d’associer leurs desseins égocentriques dans l’objectif suprême d’édifier un grand village planétaire en s'affranchissant de la Supervision divine. Ainsi, du haut de ce phare illusoire et dérisoire l’homme pouvait s’auto proclamer le maître du monde d’en bas, de son destin comme des éléments, affirmer sa souveraineté naturelle et perpétuelle, mais dans le seul but d’accroitre sa quête insatiable des plaisirs tangibles qu’offre ce monde, de vivre de ses passions : " Il apparait ainsi que l'idée initiale de Nemrod et de sa génération fut de rassembler les hommes en une même contrée, en vue de concentrer leurs efforts collectifs pour la découverte des forces cachées de la nature, dont la mise en valeur serait susceptible de protéger le genre humain contre toutes les calamités et les catastrophes, contre toutes les puissances maléfiques. Les hommes pensèrent que l'organisation collective servirait également de bouclier contre la misère sociale et la guerre, que la possession des secrets de la nature les rendrait indépendants de la providence divine. L'union de toutes les races et de toutes les classes de la société devait leur procurer la liberté vis-à-vis de la divinité omnipotente, et c'était là le but final qu'ils visaient à travers leurs différents objectifs ". (1)
De Nemrod à Nabuchodonosor, d’Alexandre le Grand à Octave ou à Napoléon Ier, bien des conquérants, empereurs ou rois, se sont engagés dans ce projet insensé et irréfléchi, dans ce « service étranger » nommé idolâtrie, l’antithèse de la Sainteté, à l’opposé de la volonté divine, pour finalement donner naissance à des nations aux croyances et aspirations antagoniques, jusqu’à admettre culturellement la légalité de l’esclavage de ses semblables. Le récit biblique, dont la portée de chaque mot est éternelle, établit que l’épisode de la Tour de Babel n’était que le prélude à cette idéologie hégémonique, s’inscrivant dans un monde sans partage, sans fin et sans but, dans laquelle les hommes seraient affranchis de la Providence divine, assurés de dominer les éléments. Dans un monde en marche vers un destin obscur et incertain, nourri de guerres et de chimères.
Cependant, l’édification de telles sociétés tronquées de l’origine commune au monde et à l’homme pose des interrogations : Quels sont leurs objectifs et dans quel intérêt ? Quels sont leurs codes moraux et leur justice ? Ne serait-il pas plus naturel que l’universalisme tant souhaité se réfère à la Création du monde et de l’homme par un unique et même D.ieu, et que les hommes admettent par conséquent qu’ils naissent libres et égaux unis dans un destin commun aux valeurs communes ?
C’est ce que suggère la voix du judaïsme en conservant à l’esprit durant tous ces siècles que l’Eternel-D.ieu est l’unique Sagesse supérieure à l’origine de notre univers. Que Sa volonté profonde concernant la conquête et la marche de Son monde est celle qui fut transmise sur le mont Sinaï à Moïse, au peuple d’Israël et aux Nations, en vertu du principe que la Vérité ne connait pas de changement. Le Saint « Zohar », qui traite de la Sagesse Esotérique, révèle que « D.ieu a lu dans la Torah et a créé le monde » ; tel un architecte suivant son plan. D’ailleurs, c’est l’une des raisons pour lesquelles la Torah fut dite également par l’Eternel dans les 70 langues vernaculaires des nations et transmise à nouveau par Moïse, la « Tête » de tous les prophètes, celui qui insuffle la foi aux hommes dans toutes les générations. Chaque dirigeant des 70 nations reçut alors une traduction de la partie révélée de la Torah afin qu’il puisse prendre acte de son contenu et des lois que D.ieu a ordonné aux Gentils de respecter depuis la genèse du monde. Car assurément, il n’existe qu’un architecte, un plan, un monde, une humanité.
En conséquence, bien des peuples ont pu apprécier la vérité de la Torah et se sont convertis comme il est relaté du temps du roi Salomon. Bien des hommes et des femmes ont séjourné en Terre Sainte et abandonné toutes les formes d’idolâtrie au profit des 7 préceptes de la Torah.
Effectivement, depuis la rédaction de la « Septante », qui est la version grecque du Pentateuque réalisée sous Ptolémée II, et la « Vulgate », sa version latine réalisée par Jérôme, il est admis que les écrits bibliques, le Tanakh, (2) ont acquis au cours des siècles une dimension internationale et gagné en crédibilité auprès des nations, malgré les détracteurs et usurpateurs. Désormais, l’idée que D.ieu est immanent et transcendant a pénétré le monde et les consciences. Il est impossible de citer à travers les âges la liste de tous ceux qui parmi les nations ont souscrit aux valeurs du judaïsme, plébiscité sa sagesse, soit en adhérant à ces lois, tel le grand maitre du Talmud raby Méïr (3), soit en observant les 7 lois Noahides.
Déjà au 1er siècle, Rome fut le théâtre de divergences idéologiques incompatibles, entrainant le monde dans son sillage. Que ce soit par la fascination du pouvoir absolu au caractère divin avec la figure de l’Auguste, ou bien, par la tentative de réforme des hérétiques d'authentiques Préceptes divins. Ces hommes s’imaginaient ainsi adapter et procurer un dieu aux peuples alors idolâtres qu’ils dominaient, en proposant un dieu mi-homme mi-dieu ou mi-dieu mi-homme. Par ces subterfuges imposés le plus souvent par la force, la terreur, et dans le sang, ils s’opposaient ouvertement au chemin sans compromis que trace la Torah, c’est-à-dire servir l’Eternel conformément à Sa volonté, respecter les lois qu’Il a transmises à l’Humanité au mont Sinaï. D’un autre côté, de l’empereur Marc Aurèle le philosophe qui étudiera auprès du Maitre raby Yéhoudah ha-Nassi (4) et qui se convertira au judaïsme, à Julien qui décrètera en 361 la reconstruction du Temple de D.ieu à Jérusalem, et selon les témoignages de bien d’autres encore, il apparait que l’idée qu’un seul D.ieu crée à chaque instant ce monde ex-nihilo gagne les esprits des nations. Les adeptes du Monothéisme comme des lois universelles apparaissent à l’horizon.
En France, citons simplement Anatole Leroy-Beaulieu : « La Révolution n'a été qu'une application de l'idéal qu'Israël avait apporté au monde. L'idée de la justice sociale est une idée israélite. L'avènement de la justice sur terre a été le rêve de Judah. Pour trouver la source première de 1789, il faut creuser par dessous la Réforme et la Renaissance ; il faut remonter, par delà l'antiquité classique et l'Evangile, jusqu'à la Bible, à la Torah et aux Prophètes. En ce sens, il est vrai que le nouveau décalogue des droits de l'homme procède des tables rapportées du Sinaï, et que la nuit du 4 août a été un lointain et involontaire écho du Horeb »
Ainsi, si le peuple d’Israël est le dépositaire de la volonté divine, tous les citoyens du monde ont leur part de responsabilité, de moralité et de foi dans l’effort d’universalité en adhérant aux 7 lois Noahides, comme l’explique le rabbin Elie Bénamozegh (5) : « Le particularisme juif tend à des fins universelles ; il n’a pas d’autre raison d’être que la foi au Dieu unique, pas d’autres buts que l’établissement de son règne chez tous les peuples ». Le journaliste Aimé Pallière (6), qui correspondra avec Bénamozegh, écrira : « Le judaïsme est le foyer, le centre de la religion universelle, et les autres cultes se trouvent rattachés à lui, et par conséquent légitimes, dans la mesure où ils sont fidèles à ses principes… Ce Noachisme dont j’entendais parler pour la première fois me surprenait et me reboutait comme une chose inconsistante et dont le nom était pour le moins étrange… Oui, à cette époque de ma vie, la doctrine juive m’était encore trop peu connue pour pouvoir déterminer en moi une conviction bien profonde ».
En 1777, Jean Antoine Fabre, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées acceptera les lois Noahides suite à sa rencontre avec le célèbre Rabin Haïm Yossef David Azoulay de l’Académie de Jérusalem, auteur de nombreux ouvrages. Il souhaitera au début se convertir, mais le rabin l’en dissuadera. Toutefois, il l’informera qu’il est possible d’étudier les lois relatives aux 7 lois universelles et de réciter chaque jour la proclamation de foi intitulée « Ecoute Israël, l’Eternel est notre D.ieu, l’Eternel est Un ». Il s’étonnera suite à son passage en France lors du règne de Louis XVI, du nombre de nobles qui lui demanderont une audience privée, afin également de recevoir sa bénédiction.
Chateaubriand écrira : « (...) Voilà les lois que l’Éternel a gravées, non seulement sur la pierre du Sinaï, mais encore dans le cœur de l’homme. On est frappé d’abord du caractère d’universalité qui distingue cette table divine des tables humaines qui la précèdent. C’est ici la loi de tous les peuples, de tous les temps. »
Le Ministre de l’Éducation française (1863), Victor Duruy observera : « Les Juifs étaient pour l’humanité tout entière comme la caste sacerdotale du culte de l’Éternel, le Dieu universel, qu’ils devait révéler au monde quand les temps en seraient venus ».
En Angleterre en 1640, citons John Selden, le célèbre juriste et membre du Parlement du Royaume d’Angleterre qui, inspiré par les lois bibliques, publiera « Le droit national et le droit des gens d’après les Hébreux ».
En 1980, le Pr John Wheeler publiera l’article « Delayed Choice Experiment », qui sera lu devant la Royal Society, puis devant l’American Philosophical Society. Il compare le processus quantique élémentaire à un acte de création ex-nihilo qui serait le résultat de la participation d’un observateur pour chaque phénomène réel. Il en résulte que sans la présence de l’homme, il n’y a ni univers, ni lois physiques. Wheeler trouve une allusion à cette approche dans des textes bibliques. Selon Wheeler, « l’humanité - qui joue donc, selon la Théorie quantique, le rôle le plus central dans le cosmos - a besoin d’un penseur d’une telle envergure qu’il pourra révéler le sens global de l’existence de notre univers, et donc jouer le rôle de Guide au sein d’une réalité souvent pleine de mystères ».
De nos jours, le caractère universel des enseignements de la Torah est donc indéniable pour des millions d’êtres humains à travers le monde. C’est ce que proclame Raby Ménahem Schneerson de Loubavitch : " C'est en faisant connaître et appliquer ces lois que l'on ramènera le genre humain sur la voie de l'humanité, et que l'on mettra en place les conditions ambiantes adéquates à l'instauration du règne du Messie ". A nous, avec la diffusion des 7 lois de Noé, les véritables valeurs universelles, de chasser enfin ces temps obscurs et de faire que ce monde soit une résidence pour D.ieu, afin que l’Humanité désormais unie y vive selon Sa volonté, dans une société à la destinée commune, éclairée par la sagesse et les commandements de l'Eternel.
(1) Rav Munk sur Genèse 11-3
(2) Tanakh, acronyme de Torah (le Pentateuque) - Névyim (les Prophètes) - Kétouvim (les Hagiographes)
(3) Raby Méïr est l’une des grandes figures du Talmud, il vécu entre le Ier et le II siècle, il est le fils de la fille de Néron et d'un officier romain. Talmud de Babylone traité Guitin 56-a.
(4) Raby Yéhoudah ha-Nassi vécue entre la fin du IIème et début du IIIème siècle. Il est à l’origine du premier codex du judaïsme intitulé la Michnah.
(5) Rabin Elia Bénamozegh, le maître livournais de Pallière, auteur «Israël et l’Humanité »
(6) Aimé Pallière (1868-1949), journaliste français, publiera en 1926 son témoignage sous le titre «Le sanctuaire inconnu». Auteur de « l’âme juive et D.ieu »
Photos : La tour de Babel par Breughel, le roi Ptolémé II, l’empereur Antonin Marc-Aurèle, le rabin Elie Bénamozegh, Aimé Pallière, le juriste John Selden et le physicien John Wheller.
Méïr ben David Tangi.
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